Introduction

Hubert Benoit, a été de, 1967 à 1975, un de mes "professeurs-de-vie". Je dispose de trois cents pages de retranscription des enregistrements de nos entretiens de 1970 à 1973. »

Pas de vidéos à l'époque, mais, des « mini-cassettes » J'avais retranscrit les réponses qu'Hubert benoit m'avait faite à l'occasion d'une partie des nombreux entretiens que j'ai eue avec lui de 70 à 75. Je vais les publier sur ce blog. Peu à peu, au fil du temps.

Quelques informations préalables (je complèterai ou ajusterai, si nécessaire en cours de route). Ces paroles d'Hubert Benoit sont retranscrites telles quelles avec tout ce que cela entraîne de répétition et autres effets du à la parole parlée. Je n'ai pas retranscrit mes propres questions, objections etc..

Tout ce que j'ai trouvé sur internet au sujet d'Hubert Benoit ne donne pas une idée très juste de sa personne et de son enseignement. On lui attribue, par exemple, des affinités avec Gurdjieff qui le ferait beaucoup rire s'il était encore parmi nous. Plus sérieusement, il rejetait lui-même une grande parties de ces premiers écrits (notamment la pratique qu'il proposait dans son livre « Lâcher Prise »).

Hubert Benoit n'était pas « illuminé », "éveillé", et ne prétendait pas l'être ni même ne laissait croire qu'il l'était, comme le faisait par exemple Wei Wu Wei (qui était venu le voir et lui avait dédicacé un de ses livres : Open Secret).

Cette absence d'illumination, jointe à celle de partenaire intellectuel à sa hauteur (mise à part le Swami Siddheswarananda qui a été pour lui plus un ami qu'un «maître» ou « co-disciple ») et à celle et de maître spirituel suffisent déjà, en elles mêmes à expliquer les limites de son discours et de son évolution.

Hubert Benoit n'en était pas moins très loin devant ses contemporains dont les livres côtoyaient les siens dans les librairies spécialisées (Durkhëim, Klein, D'encausse, Alan Watts etc.) . Il ne se posait pas en référence à quoique ce soit, il ne discourait pas sur ou à propos de quoique ce soit, mais témoignait simplement de sa recherche personnelle, intime et vivante.

Rien ne conviendrait mieux à Hubert Benoit que cette phrase de Maxime le Confesseur : « Le seigneur éclaire de sa lumière notre intellect et le porte au même acte que lui. »

En effet, il avait non seulement une pensée affutée comme celle d'un rasoir mais il était véritablement inspiré. Unie à une grande sensibilité affective et psychologique et à une recherche introspective et personnelle de grande haleine cela a fait de lui un précurseur d'une authentique « psychologie » (science de l'âme) qui reste encore, de nos jours à élaborer et faire connaître.

Avant de publier ces paroles dites en entretien, un texte, sur lequel il travaillait et qu'il m'avait lu: «Mon âme entre vos mains »

À ma connaissance, ce texte n'a jamais été édité : Outre l'intérêt que ce texte peut avoir en lui-même, il témoigne aussi d'une évidence qui transparait au fil de ses paroles et de ses écrits : Hubert Benoit s'exprime en chrétien.

Bien qu'il ait pu être très critique de la doctrine de l'Église, et bien qu'il ait été très inspiré par le vedanta et le zen. Il n'appartenait pas à ces traditions et le soulignait souvent.

En ce sens, il est, et reste pour moi, non seulement en avance sur les catholiques « pré » et « post » Vatican II mais aussi sur ceux qui ont recherché un peu de profondeur dans les ashrams et les dojo.

Pour terminer cette introduction.

J'ai gardé au fil du temps ces « entretiens avec Hubert Benoit ». Ils m'ont souvent servi de repère et m'ont encouragé à poursuivre ma propre quête.

J'avais aussi toujours en mémoire l'idée que si je pouvais en faire part à ne serait-ce qu'une personne vraiment intéressée, cela aurait été une façon de rendre hommage à celui qui a été un de mes rares authentiques « professeur de vie ».

La demande, sur Facebook, de Roger, un brésilien, jointe à cette période bien particulière de mon passage sur terre et à la spécificité du forum que je viens d'ouvrir, a déclenché cette « publication ».

Si cela devait offenser ou léser des quelconques ayant droits potentiels, je leur demande de bien vouloir me contacter.

Laurent Huguet


samedi 2 avril 2011

Hubert Benoit : 10 & 17 février 1972


Nous ne pouvons dire "non" qu'à un objet auquel nous avons forcément tout d'abord dit "oui".

Les gens se croient coupables là ou ils ne sont que victimes.

Le problème n’est pas « ce que je veux . » mais « ce que je ne veux pas. », il ne s’agit pas de la liberté mais de la fin de l’esclavage.

Le conseil : « regardez, regardez ! » ne s’applique pas à la vérité, qui est immanente partout mais à la façon dont nous fonctionnons.

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Contrairement à l’expérience scientifique, nous ne pouvons que faire nous-même l’expérience intime de notre fonctionnement propre.
Ces expériences que nous avons à faire, l’expérience d’autrui ne sert ici à rien, c’est dans la vie quotidienne, la vie phénoménale dans le monde phénoménal que nous avons à la faire. Elles seront interprétées ou pas, si elles ne le sont pas, elles ne serviront pas à grand chose, si elles le sont, elle apprennent beaucoup.
Le plus souvent, il n’y a pas incompatibilité entre la vie quotidienne et ce « travail » qui ne demande pas que l’on s’y consacre du soir au matin ; on risquerait alors de mal le faire parce que justement il est incompatible avec une trop longue durée.
Si quelqu’un se rend compte comme Rimbaud que « la vraie vie est absente », que « nous ne sommes pas au monde », que cela est bien fâcheux et qu’il y a lieu d’obtenir l’heureuse évidence de façon à s’en sortir un jour, s’il se consacre à ce travail d’obtenir des évidences, ne le ferait-il qu’une heure par jour, en une ou plusieurs fois, que ce serait déjà beaucoup
On peut sans abandonner toute réflexion, consacrer la plus grande partie de son temps à vivre sa vie, c’est à dire aborder les deux grands domaines de le vie des hommes, : la vie professionnelle et la vie affective..

Pour être un « libéré - vivant », il faut être vivant, c’est à dire entretenir sa vie, son existence biologique, ce qui suppose dans notre système social, que l’on gagne sa vie. Il faut également faire une place, dans cette vie temporelle, aux « compensations » dont nous avons besoins longtemps, tant que nous n’avons pas obtenu ce qui remplissant le manque que nous sentons en nous fera que nous n’aurons plus besoin d’y mettre toutes sortes de trucs pour essayer de le combler.

Donc, du point de vue phénoménal, gagner sa vie : la plupart du temps pour entretenir son existence et gagner ses compensations, les trouver et les vivre, sont les deux domaines qui constituent justement le champs de l’expérience à faire.
Toutes ces activités peuvent s’accompagner d’observation sur la façon dont on fonctionne : voir comment cela se passe et puis ensuite réfléchir sur « pourquoi cela se passe comme ça ? ».
Il ne faut pas imaginer qu’il y a d’une part la vie phénoménale et d’autre part la vie intérieure et qu’elle n’ont rien à voir ensemble. Notre attention peut aller de l’une à l’autre par oscillations très rapides, intermittentes.

Il n’y a pas d’angoisse sans oppositions et l’opposition ne va pas de soi, on peut discriminer sans opposer.

On ne peut pas trouver la Réalité, c’est elle qui peut un jour nous trouver, si on la cherche on ne la trouve pas.

Il ne peut pas avoir avidité de l’inconnu.

« opposition », cela évoque « dualisme », certes l’angoisse est liée au fonctionnement dualiste lui-même, sans dualisme, il n’y aurait pas d’angoisse. « dualisme », « opposition », c’est à dire incompatibilité : ce qui ne peut pas être ensemble.

Nous nous identifions à l’état dans lequel nous sommes.

Il y a dans l’ego une prétention non pas à exister mais à être ; placé devant l’évidence que l’on ne fait qu’exister, l’angoisse en découle automatiquement puisque l’ego est alors complètement nié.

L’émerveillement esthétique réveille en nous la nostalgie de la beauté absolue qui ne peut être ce que nous voyons quel qu'en soit la beauté et qui n’est alors qu’une promesse qui ne tient pas ; c’est alors une sorte de supplice de tantale, plus ce que l’on contemple est proche de ce qui nous faudrait, sans l’être évidemment, plus c’est douloureux.

Il n’y a pas d’objet, tout est le sujet, c’est à dire que la réalité de toutes choses est le principe créateur de toutes choses… le Soi, le Sujet, l’UN… les objets sont des apparences et les apparences n’ont pas de réalité en elles-mêmes, elles ont une réalité relative à qui les perçoit.
De sorte que lorsqu’on parle de sujet-objet, encore faudrait-il établir que le mot objet répond à quelque chose. Il y a là une très grande confusion dans l’esprit humain et plus on se penche sur ces deux termes plus on voit que l’on dit souvent l’un pour l’autre et que la distinction est mal fondée.
Les mots ont toutes sortes de sens selon la façon dont on les emploie, mais si on se penche sur les mots « sujet » en général et « objet » en général, on patauge singulièrement.
Les vibrations d’un objet atteignent, par mon appareil oculaire mon cerveau qui élabore une image mentale visuelle, la perception élémentaire a lieu, cette perception peut être perçue ou pas, qui est l’auteur de cette seconde perception.. ceci peut être le cerveau qui a fini de faire tout ce qu’il peut faire quand il a élaboré l’image mentale, c’est le Soi, qui ne fait pas partie de l’organisme mais qui voit ce qui s’y produit et qui est à l’œuvre tout le temps. Il ne faut pas se l’imaginer comme une espèce d’identité immobile, le Soi est un dynamisme dont le jeu a toujours lieu.

Tout homme égotiste prétend seul être et même exister, tout le reste, il se l’attribut, c’est fait pour lui, pour le faire fonctionner. L’homme égotiste se sent être le « centre » du monde, en ce sens, chaque fois qu’il a comme une perception qu’une chose existe indépendamment de lui, il le vit comme une négation de sa perception égotiste… c’est comme des fous dans un asile psychiatrique qui tous penseraient être Napoléon alors que chacun penserait être le seul vrai, … alors, pour chacun les autres sont agaçants, c’est aussi stupide que cela.
Quand, en effet, on constate tout à coup que quelque chose existe autour de nous, tout a fait indépendamment de nous, [ Cela n’existe pour nous que quand nous le percevons mais nous sommes en droit de penser que même quand nous ne le percevons pas il existe encore, que nous vivions ou non.] nous sentons cela comme une négation de nous en tant que centre du monde, auteur du monde [ parce que le centre n’est pas seulement le centre spatial, c’est le centre créateur du monde.]. Il y a une prétention divine de l’ego, l’homme se définissant comme une personne et un être métaphysique, se définit donc comme le créateur de tout.

D’habitude, l’homme ne voit pas le monde extérieur comme existant indépendamment de lui [ Il le voit comme existant pour lui pendant qu’il le perçoit et après c’est comme si il n’existait plus. Il ne pense pas alors qu’il ne le perçoit pas ] .

La manifestation est différente, mais ce qui se manifeste est le même.

Chez l’homme égotiste, il y a « moi » qui suis et existe et puis la réalité qui ni n’est ni n’existe, je lui donne la valeur, la réalité qui me convient selon les circonstances ou dissonances que cela a avec moi, cela n’est pas le produit d’une réelle volonté mais se passe de manière automatique.
L’angoisse, c’est un état de mésentente organique, ce n’est pas un problème, en parlant de problème on parle de quelque chose d’intellectuel.
Quand quelqu’un est angoissé, s’il y a un problème, c’est :  « Comment en finir avec l’angoisse, comment ne plus être angoissé ? » et c’est là une question intellectuelle qui peut être énoncée. L’angoisse elle-même n’est pas un problème, c’est un état vibratoire. Tout problème suppose un fonctionnement intellectuel. C’est l’intellect qui fabrique nos faux problèmes, car ils sont tous faux ; qu’est-ce qui les fabriquerait à par ça ?
C’est à propos de notre fonctionnement que nous posons des problèmes ou que des problèmes apparaissent se poser ; mais ces problèmes sont sans solutions, l’unique solution possible étant la disparition du problème, le problème n’est pas alors, n’est pas résolu, il ne se pose plus, le problème disparaît le jour ou l’on voit qu’il est une illusion.
Le « problème de la condition humaine » vient de cette fusion absurde (qui existe dans ce qu’on appelle le fonctionnement égotiste humain) entre la définition de l’homme comme étant une personne phénoménale et celle de l’homme comme étant le noumène lui-même (puisqu’actuellement, avec notre mental tel qu’il est, nous ne pouvons pas voir le noumène et les phénomènes comme étant la même chose ; notre « penser » ne se fait que par discrimination, par séparation.)
L’intuition d’être est l’intuition d’être éternel et en même temps la logique nous affirme que nous sommes mortels, si bien qu’il y a contradiction apparente et cela pose problème, mais le problème vient de l’ego qui est lui-même illusion et qui engendre toutes sortes de problèmes illusoires. Objectivement il n’y a pas de problème ; que nous croyons qu’il y en aient, ça c’est autre chose, ce qui n’enlève rien au fait que ces problèmes soient là, nous croyons qu’ils sont là, et cette croyance mérite examen, on ne peut pas dire « comme c’est un faux problème, je m’en fous. », parce qu’il est là, poignant.
« Qui est ‘’Je’’ ? », c’est ça le problème.
Le métaphysicien peut répondre en terme intellectuel pur, mais le problème n’en est pas anéanti pour cela, ce n’est pas parce que je comprends que le fonctionnement égotiste est illusoire que du coup je réalise qu’il l’est, il y a une différence entre comprendre et réaliser, entre l’évidence pour l’intellect et l’évidence pour l’être total. On ne peut pas imiter Ramana Maharishi, c’est arrivé comme ça pour lui, parce qu’il était conditionné de cette manière.

Il faut un certain age pour que les intuitions métaphysiques arrivent, ce qu’on appelle « l’age de raison » », c’est à dire la possibilité du fonctionnement objectif de l’intellect.

Il y a des problèmes phénoménaux et des problèmes métaphysiques, ce ne sont pas les mêmes.
« Qui est ‘’Je ’’ ? » est un problème métaphysique.

Le « libéré vivant » a quand même une personne animale, qui vit sur terre et qui a les mêmes problèmes que les animaux, l’animal est toujours là et il est toujours animé de ce goût de survivre ; mais chez le « libéré vivant », ce n’est plus une revendication comme ça l’est chez l’homme habituel.

On peut s’interroger sur l’origine de la souffrance morale, quelle en est la genèse ?
La souffrance morale résulte toujours d’une revendication insatisfaite, parce que la réaction de l’homme qui revendique et n’obtient pas ce qu’il revendique, c’est la révolte et cette révolte est impuissante ( ce n’est pas cette révolte qui, par elle-même lui apporte ce qu’il n’a pas ou ce qui ne veut pas perdre. ) elle constitue donc une occasion de constater sa non-toute puissance, donc son non-être, ce qui le négative. C’est ce que j’appelle le « spectre lunaire », quand il se présente tout à fait, c’est vraiment épouvantable, quand il se présente voilé, il est plus supportable, mais il est toujours pénible. Et derrière ça, il y a toujours le doute d’être ; la fameuse interrogation : « peut-être ne suis-je rien ? Peut-être ne suis-je pas ? (au sens métaphysique du mot « être » » .. évidemment, j’existe, mais « exister » c’est seulement exister comme un objet inerte ou un animal sans intellect ( L’animal se suffit d’exister, il n’a même pas conscience qu’il existe, si bien que pour lui, il n’y a pas de problème intérieur.)

Tout ce qui me positive soulage mon doute d’être en apportant un témoignage favorable à l’hypothèse que « je suis » et tout ce qui me négative apporte un témoignage défavorable à cette hypothèse et favorable à celle que « je ne suis pas » et alors, à ce moment-là l’horreur de n’être pas m’apparaît.
Seulement exister est intolérable pour l’être humain.
Il faut qu’il ait soit la conscience d’être, soit l’impression d’être que lui procure les compensations et il faut qu’il ait une certaine quantité de témoignages à l’appui de l’hypothèse qu’ « il est », sinon cette hypothèse s’effondrerait et il n’aurait plus qu’à se suicider. ( parce qu’exister comme existe un veau, cela ne lui suffit pas, on peut même dire qu’il a horreur de ça, il haït exister seulement, il courre toute sa vie après la certitude d’être, l’évidence d’être, la conscience d’être et les moyens qu’il emploie pour cela ne peuvent jamais être efficaces, les justes moyens sont le contraires, au lieu de courir à la recherche de quoique ce soit, il suffit de ne plus rien chercher, de ne plus rien faire et de laisser faire le Soi, ce qui est tout à fait autre chose :  « Tout le malheur vient de croire qu’il y a quelque chose à faire en ce monde ». )
Tout le temps il lui faut obtenir toutes sortes d’affirmations, il lui faut réussir ceci ou cela, ne pas échouer là… tous ces « il faut » sont illusoires, je suis, je n’ai pas besoin de faire quoique ce soit pour être ; seulement, comme justement j’en doute, je courre après des apaisements de ce doute.
Mais je ne peux pas « attraper » la disparition de mon doute, seul le Soi peut S’imposer, et Son règne en moi suppose que tous les doutes d’être ont disparus et ceci en comprenant justement que je ne suis pas cette personne ( tant que je crois être cette personne, évidemment je douterai d’être puisque cette personne, elle est, n’est manifestement pas éternelle, elle n’est pas toute puissante, elle n’a aucun des attributs de l’être et cependant j’ai l’intuition d’être… à juste titre d’ailleurs, seulement, je confonds les deux dans l’ego, ce qui fait un fameux magma dont il n’est ni facile ni rapide d’en sortir… mais à supposer qu’au terme d’une longue évolution nous en sortions, cette évolution n’est pas incompatible avec une activité dans le monde social.) .
Il y a de ces oppressions que l’on ne sent pas parce que l’on est dedans depuis que l’on est né ; elles paraissent alors des conditions normales d’existence. C’est seulement quand on est libéré qu’on se rend compte alors qu’on était opprimés, on ne savait pas avant que l’on étouffait.
Il est étouffant d’être pris dans un système de pensée auquel on ne peut adhérer, qui ne correspond à rien. Il y a un age pour croire au « Père Noël » et un age pour ne plus y croire. « Dieu » tel que l’on m’en parlait ne me disait absolument rien, comme je l’ai alors rencontré dans d’autres domaines : l’amour avant tout, l’art en partie, la nature rarement, la religion jamais, alors je ne pensais pas l’appeler comme ça… d’ailleurs, ça n’a pas de nom, simplement, cela se traduit en nous par un état d’adoration en relation avec un émerveillement de stupéfaction devant l’infini.

En ce qui concerne les notions nouménales, le vocabulaire est forcément employé à tort ; les mots sont bien imparfaits, approximatifs, ils évoquent quelque chose pour celui qui a eus des intuitions analogues à celles de celui qui parle, il comprend alors ce que l’autre veut dire, mais sinon, il ne comprendrait rien.

L’ « Unique Adorable » , parce que c’est vrai que subjectivement, c’est la seule chose que j’ai jamais adoré (à travers des choses diverses, mais c’est toujours la même) et si on me demandait : « Qu’avez-vous adoré ? », je dirais : «  C’est l’état d’adoration lui-même.. là on tombe dans des pléonasmes et on n’en sort pas, il est finalement impossible de définir, parce que l’informel est informulable.

Les expériences de vie, la vie active, sont très importantes pour comprendre des tas de choses et « comprendre » c’est le fil d’Ariane ; il n’y a qu’à comprendre, il n’y a rien à faire, il y a simplement à voir avec lucidité .. ce qui prend du temps.
« Ne pas faire, ne chercher en rien à modifier notre fonctionnement, le voir, pourquoi pas , Mais sans aucune appréciation, sans aucune idée de bien et de mal, d’utile ou d’inutile. Habituellement, je parais ne me forcer à rien, m’autoriser à faire tout ce que je fais. En réalité, quand je fonctionne de telle ou telle façon, parfois je déplore et déplorer, c’est déjà juger, condamner, c’est penser que je devrais mieux faire, c’est déjà manipuler, tendre par moi-même à mon amélioration, comme si je pouvais en comprendre la moindre chose ! Cette imagination de mes façons de penser, sentir, réagir est l’effet d’un œil spectateur qui ne vois pas ce qui a lieu en réalité mais qui muni de prolongements modificateurs voit ce qui a lieu modifié par une charge d’affect morale. Cet œil, s’il était le « pur intelligent » verrait avec indifférence, c’est à dire ne verrait aucune différence d’intérêt, de valeur, d’utilité en rien, ne discriminant moralement pas ce qu’il voit. Ceci n’implique pas que je sois indifférent à mon asservissement douloureux par le fonctionnement égotiste, je ne saurai voir comme identique le fonctionnement égotiste et le fonctionnement libéré, mais les multiples aspects du fonctionnement égotiste sont rigoureusement équivalents dans l’absurde, puisqu’ils visent tous la conscience d’être par des affirmations de ma personne et que celle-ci est un paraître sans réalité véritable, c’est à dire qu’elle n’est pas. »

Compréhension de plus en plus approfondie du « ne pas faire », ne rien faire ; puisque dans le fonctionnement égotiste que nous représentons pour le moment, dès qu’il fait quelque chose, il ne fait que des blagues puisqu’il cherche toujours à s’affirmer. Le « vieil homme », dès qu’il agit, défend sa peau et ne peut pas faire autrement ; il ne peut pas se suicider, il peut simplement et dans la mesure ou il sera intelligent, résister de moins en moins à se laisser assassiner par l’Adorable Assassin qu’est le Soi. Mais il faut que je mérite cet assassinat et pour cela en étant intelligent, objectivement… et seulement ça et sans rien faire, sans essayer moi-même d’opérer ma réalisation. Il faut comprendre enfin que je suis totalement impuissant à le faire. Et la perte de tout espoir en moi à ce sujet est la seule chose qui fasse naître l’Espérance si j’ai tout d’abord la foi que le Soi va se mettre à l’œuvre si moi je n’essaye plus de faire Son Travail.

[ Il est facile d’observer que l’on porte sans arrêt une certaine appréciation. Je me dis parfois, alors que je regarde la télévision : « Mon Dieu, quel temps perdu ! », mais j’ai tort, pourquoi ne pas le perdre, nous voulons tout le temps faire quelque chose d’utile, nous ne pouvons pas !]

« Laisser les choses comme elles peuvent être » c’est très bien, mais en ayant une conscience constante qu’on les laisse être comme elles peuvent être, c’est un « laisser faire » conscient, parce qu’il y a des tas de gens qui laissent faire des tas de choses mais qui n’en sont pas conscients. Il ne s’agit pas d’un fatalisme, inactif, mais d’une active passivité. Il n’est pas très facile de bien comprendre cette distinction, c’est assez subtile parce que ce dont il s’agit est en effet subtil.
Une fois que c’est déclenché, le mécanisme de ce que j’appelle le besoin de comprendre pour comprendre, cela continue, quoique l’on fasse par ailleurs, la vie de surface, et dans la vie quotidienne, à propos ou pas des expériences que l’on a. [ Quand on fait quelque chose de relativement automatiquement, cette recherche peut se faire, mais on ne doit pas dire : « Je » la poursuis, je ne peux rien faire « moi », mais « elle » se poursuit, on ne peut pas en douter. Il n’est pas nécessaire d’avoir quatre heures de liberté par jour pour ça, parce qu’en effet ou bien je peux réfléchir à des moments ou je ne fais que cela, ou bien je peux y réfléchir en faisant autre chose ou même à propos de ce que je fais. J’ai compris des tas de choses sur l’amour en vivant l’amour parce qu’alternaient très rapidement les moments ou je vivais l’amour et les moments ou je réfléchissais sur ce qui venait de ce passer, m’efforçant de le comprendre.]

Votre destin me regarde dans la mesure ou vous me demandez de m’en occuper.

L’intérêt pour les choses phénoménales etc n’empêche pas l’intérêt profond pour les choses nouménales, qui restent derrière.
C’est à propos de nos illusions que nous pouvons faire un travail de reconnaissance que ce sont nos illusions.
Vous ne pouvez pas désillusionner un enfant dès qu’il commence à pouvoir penser, il faut qu’il passe d’abord par des erreurs.
On ne rendrait pas service à quelqu’un en le sevrant de ses erreurs parce qu’elles sont vraiment d’une efficacité extrême.

lundi 28 mars 2011

Hubert Benoit : 3 février 1972


On parle toujours de l’« ego » comme si c’était une chose en soi alors que ce n’est qu’un mot qui désigne un fonctionnement : nous fonctionnons comme si cette personne était une réalité, alors qu’elle n’en est pas une ; de sorte que la fameuse disparition de l’ego, ce n’est qu’un changement de fonctionnement et rien d’autre.

« Beau » ou « vrai » ? Ce n’est pas toujours la même chose…
Un vrai « Maître » ne doit pas être effrayant…
Quand on est tout près du point d’arrivée, on est tout près de la catastrophe finale…

La Vérité parle en soi-même, ce n’est pas une personne. Quand l’écrivain est inspiré, c’est le Mental Cosmique qui écrit à travers lui.

Ce qui est « oppressant », c’est la crainte de la catastrophe, la Vérité, elle n’est jamais oppressante.

Ce qui s’est passé en vous, c’est plutôt passé «  à propos du texte. Il est possible que ce texte ait exprimé une seule idée qui ait été à l’origine de ce qui s’est passé en vous. C’était pour vous comme « trop beau pour être vrai », c’était frappant, c’est à dire que ça écrase le vieil homme évidemment… il n’en est pas ravi, il ne tient pas du tout à mourir.
Si c’était difficilement supportable, c’est parce qu’il y avait justement contre-attaque du fonctionnement égotiste, qui a toujours tendance à persévérer, en quelque sorte, comme s’il n’avait pas envie de s’arrêter, comme si le vieil homme n’avait pas envie de mourir.

Que l’expérience, elle, n’aboutisse à rien, c’est possible mais c’est son interprétation qui peut aboutir à quelque chose.

Il est exacte que dans l’ensemble, au cours d’une évolution juste, nous, en tant que fonctionnement égotiste, sommes seulement le terrain sur lequel s’affronte d’une part le Soi, qui est tout prêt à envahir le terrain laissé libre et d’autre part ce que nous appelons l’ego qui essaye de garder le terrain ; c’est un peu le combat dont « le combat de Jacob et de l’Ange » est le symbole.

La « résistance », ce n’est pas un combat comme entre les êtres humains, ou chacun a une part active . Du coté égotiste, cela n’est qu’une force d’inertie, une tendance à persévérer ; et de l’autre coté, il n’y a aucune force visant à la victoire contre l’ego. C’est comme si le Soi qui est déjà en nous [ « Comme si parce qu’en parlant ainsi, je l’anthropomorphise.] n’avait nullement besoin d’établir son règne en nous ; simplement et uniquement, il ne pourra pas ne pas l’établir dès que la chose sera possible.
Pour le fonctionnement égotiste, ce qui le fonde et ce contre quoi il se défend, c’est un « ennemi qui veut sa perte. », en réalité, c’est notre « suprême ami », mais enfin..
Évidemment le « champs de bataille » ne trouve pas agréable de supporter la bataille sur lui. Et puis cela peut avoir des répercutions organiques, … pas terribles, terribles, mais pas agréables non plus.

On est pas très ravi à la pensée que notre conscience va être arrachée, mais quand elle l’est, c’est délicieux. De la même manière que quelqu’un peut craindre la mort, mais au moment ou elle arrive, être ravi en effet, débarrassé de ce « chat pouilleux qui ne cessera jamais d’empuantir toutes sphères » comme le dit Rimbaud. Nous devons arriver un jour à être dégoûté de nous même.. jusqu’à ce que nous réalisions que nous sommes rien du tout, alors à ce moment là, c’est merveilleux, mais quand on en approche, ce n’est pas merveilleux du tout.
La « souffrance volontaire », on ferait mieux de l’appeler la « souffrance voulue », totalement acceptée, parce que la parfaite acceptation, c’est la volonté de ce qui est.
Mais On est pas très ravi à la pensée que notre conscience va être arrachée, mais quand elle l’est, c’est délicieux. De la même manière que quelqu’un peut craindre la mort, mais au moment ou elle arrive, être ravi en effet, débarrassé de ce « chat pouilleux qui ne cessera jamais d’empuantir toutes sphères » comme le dit Rimbaud. Nous devons arriver un jour à être dégoûté de nous même.. jusqu’à ce que nous réalisions que nous sommes rien du tout, alors à ce moment là, c’est merveilleux, mais quand on en approche, ce n’est pas merveilleux du tout.
La « souffrance volontaire », on ferait mieux de l’appeler la « souffrance voulue », totalement acceptée, parce que la parfaite acceptation, c’est la volonté de ce qui est.
Mais la souffrance ne peut être voulue que lorsque nous avons compris, qu’elle est le « prix » dont nous payons notre libération, qui est elle-même sans prix, mais tant que nous voyons la souffrance telle qu’elle est vue habituellement, nous n’aimons pas souffrir.
Il ne s’agit pas d’une souffrance à propos de la vie circonstancielle, mais quand, par exemple on commence à être dégoûté de soi-même, à perdre tout espoir en soi-même, ce n’est pas agréable. Ce qui est merveilleux, c’est quand tout espoir a disparu, mais tant qu’ils sont encore là, tant qu’on les voit disparaître, on est dans l’état qu’on appelle communément « désespoir, détresse ».
Il ne s’agit pas d’une souffrance à propos de la vie circonstancielle, mais quand, par exemple on commence à être dégoûté de soi-même, à perdre tout espoir en soi-même, ce n’est pas agréable. Ce qui est merveilleux, c’est quand tout espoir a disparu, mais tant qu’ils sont encore là, tant qu’on les voit disparaître, on est dans l’état qu’on appelle communément « désespoir, détresse ».

Il y a un autre « désespoir », le désespoir véritable qui signifie disparition de tout espoir et là, c’est merveilleux parce qu’on a plus aucune responsabilité, on se décharge entièrement du fardeau de la libération sur qui peut seul la réaliser ; c’est un moment de grand soulagement.

Il y a la lassitude qui vient de notre insuffisance de patience. Nous voudrions que tout aille plus vite, évidemment ce serait plus agréable, mais il importe que nous acceptions aussi la lenteur des choses. La patience est une vertu indispensable.

L’Espérance, vertu cardinale n’apparaît que quand tous les espoirs ont disparus. Espérance en tout autre chose qu’en soi, c’est à dire qu’en son propre fonctionnement égotiste ; c’est l’espérance dans le Soi qui marche dans ce que j’appelle la triple vérité : Foi, Espérance, Adoration.
A la différence des espoirs ordinaires qui sont toujours incertains d’aboutir, l’Espérance est certaine d’aboutir, simplement elle ne sait pas quand. C’est pourquoi elle est déjà un facteur de calme et de joie tandis que l’espoir ordinaire, non ! On peut craindre qu’il ne se réalisa pas. L’Espérance, vertu théologale n’est pas à confondre avec l’espoir dans la vie habituelle. La certitude d’aboutir, même si on ne sait « ni le jour ni l’heure » est quelque chose d’apaisant.

La « Charité », je la comprends comme étant l’adoration de ce « Grand Œuvre » libérateur [ qui se fait en ce que j’appelle « moi » aujourd’hui.]. Je ne peux pas le comprendre, je ne le vois pas se faire, je n’en verrai que les résultats lorsqu’ils arriveront à mon conscient [ Je ne vois pas ce qui se passe dans mon subconscient, je ne vois que ce qui est dans mon conscient.]. C’est le règne de la « nuit de l’esprit », j’attends dans la nuit, en toute confiance et en toute foi, et en toute adoration de ce qui est en train de se faire.
C’est comme ça que je comprends la « juste contemplation », contemplation de ce qui est en train de se faire. Pour moi, la véritable contemplation, c’est la contemplation de l’évidence que parce que je pense que le Soi fait ce qu’il faut, il le fait ; et c’est une « pensée » qui n’est pas une agitation mentale puisque c’est tout le temps là, c’est une évidence immobile. A ce moment la, le silence intérieur s’établit de lui-même comme une conséquence de cette juste contemplation. On n’y arrive jamais en s’efforçant de l’obtenir directement, ce n’est pas alors un vrai et salutaire silence intérieur [ Il y a mille contrefaçons de tout.].
Les nombreuses méthodes, très diverses, ne valent rien, ni les unes ni les autres.
Elles peuvent apporter différentes modifications modales du fonctionnement égotiste et certaines de ces modifications peuvent être agréables au sujet, [ L’extase en est une qui est merveilleuse à éprouver.] mais non seulement ce n’est pas ça, mais c’est même un piège parce qu’on a l’impression que « c’est ça ». On a l’impression d’« être arrivé » ; mais si on était arrivé, cela serait irréversible.

Sur la route de quelqu’un en qui l’évolution réelle se produira, il peut y avoir différentes « déviations », c’est à dire différentes erreurs dont il ne faut pas avoir peur. Lorsque l’erreur se révèle erreur, [ Ce qui arrive à qui réfléchit d’une manière continue.] il y a toujours un progrès [ C’est comme l’exploration d’un labyrinthe, quand ayant exploré un couloir dont on pensait qu’il allait mener à la sortie, on constate finalement que c’est une impasse, c’est quand même un progrès, parce qu’en revenant à l’entrée de ce couloir, on y pose un écriteau :  « impasse ».Et c’est toujours ça qu’on aura plus à faire.]
Il m’est arrivé de parcourir l’impasse « mystique », je ne le déplore pas du tout. l’impasse « mystique »,, pour moi, ce fut la croyance que l’extase pouvait mener directement, par l’enstase, au Satori. Or ce n’est pas vrai. J’ai bien été obligé de convenir que je déviais. Mais en déviant, j’ai obtenu de ne plus avoir à parcourir cette déviation, qui était probablement sur mon chemin puisqu’elle a eue lieu.
Le mythe du labyrinthe a une signification : Dans la vie intérieure, il est fatal que nous cherchions tout d’abord sur le plan horizontal l’issue qui ne s’y trouve pas ; c’est la recherche des méthodes. Mais il faut que nous échouions dans toutes ces recherches pour comprendre que c’est le fait de chercher qui fait que l’on ne trouve pas ; alors à ce moment là, on s’arrête au centre du labyrinthe, immobile, et aussitôt une force nous tire vers le haut.

Il n’y a pas de méthode pour arriver à l’illumination. Il y a des évidences provisoires et partielles allant vers l’évidence ultime qui est l’illumination. Il s’agit toujours de compréhension et uniquement de cela.
Je ne dis pas que la voie n’est pas intellectuelle, ou plutôt « intelligente », c’est à dire utilisation du fonctionnement objectif de l’intellect, mais ce n’est là qu’un moyen utilisé, il n’y a pas à y voir de réalité.
Les « trucs » que sont les méthodes ne peuvent aboutir qu’à des résultats « truqués ».
L’erreur nous enseigne plus que tout à condition d’être interprétée.
Une déviation peut durer, il faut de temps, mais encore une fois, il faut aussi de la patience.
Toute approche chronologique me fait déjà mieux fonctionner et c’est déjà quelque chose mais évidemment ce n’est pas le fonctionnement autre de l’homme du Satori, ça, comment peut-on être sur d’y parvenir ?

« Le Satori tombe sur vous à l’improviste quand vous avez épuisé toutes les ressources de votre être. », mais ce ressources peuvent être telles que l’on mourra avant qu’elles soient épuisées ! Que voulez-vous cela n’aura pas d’importance et tout d’abord parce que la mort arrangera tout, il n’y aura plus le problème de la souffrance parce qu’il n’y aura plus de souffrance.

Si nous la comprenons intelligemment, notre évolution jusqu’au Satori doit nous être parfaitement indifférente. Comment pourrions-nous désirer un « fonctionnement satorique » que nous ne pouvons en aucune manière imaginer ?
Ce n’est pas nous qui faisons ce travail. Même le travail intellectuel, de compréhension qui résulte du goût, du besoin de comprendre pour comprendre, d’une manière toute à fait désintéressée, sans but affectif, cela vient du Soi, c’est Lui qui fait ce travail.
Pourquoi est-ce que je m’échine là-dessus, c’est par nécessité intérieure, ce n’est pas parce que cela m’amuse, mais c’est sans désagrément puisque cela correspond à une nécessité intérieure de le faire.
Il n’y a jamais à se forcer à rien, dès que l’on se force à quelque chose, il y a un de nos personnages intérieurs qui dérange les autres et cela suscite un conflit intérieur ; ce n’est pas bon.

L’expression « travail intérieur » évoque dans beaucoup d’esprit, un effort pénible alors qu’il n’y a de bon que ce qui est spontané.

Le problème n’est pas : « comment aller vers un fonctionnement véritable ? » mais : « comment fuir un mode de fonctionnement que je ne peux plus supporter ? », le moteur est en arrière, pas en avant.
L’attachement au résultat est une fâcheuse condition pour qu’il n'est lieu, si on revendique la libération, il n’en est évidemment plus question ; mais le désir simple n’est pas la revendication. Souhaiter être délivré de la souffrance n’est pas fâcheux. Ce qui distingue le simple souhait de la revendication, c’est l’acceptation de la possibilité de ne jamais être délivré.

La revendication se glisse facilement partout, l’idolâtrie du salut est stupide. Après tout ce qu’on appelle « libération », « salut », « réalisation », n’a qu’un intérêt subjectif et non pas objectif, l’ordre des choses ne le nécessite pas.

Nous n’aimons pas l’insécurité, or, notre état affectif est toujours dominé par la loi d’insécurité. Nous aimerions être « remis dans notre chambre », être en un point fixe. Mais si ça n’arrive pas avant notre mort, peu importe.

Ce qui est important pour l’être humain, c’est de comprendre qu’il ne peut rien faire : faire par soi-même suppose qu’il y ait un moteur propre, mais aucune chose crée n’a de moteur propre, seule le Créateur est actif, tout le reste est passif.

Il y a une compréhension ultime qui est la même pour tout le monde, mais les évidences partielles par lesquelles un esprit passera peuvent être sous des modalités très diverses. Quand un esprit est très « tarasbicoté », elles sont très nombreuses, chez des esprits plus heureux, plus simples, il y en a beaucoup moins, ils arrivent très vite .. mais il faut bien s’accepter tel que l’on est.

Du moment qu’on parle d’un changement de fonctionnement, c’est d’un changement organique qu’il s’agit, c’est à dire de l’organisme psycho-somatique, or tout ce qui est organique est d’ordre phénoménal, donc progressif, c’est le changement de phénomènes en nous : «  Vous n’avez pas à devenir des Bouddhas mais à fonctionner en Bouddhas . »

Un fonctionnement est un ensemble de phénomènes, et c’est par la voie des phénomènes que l’homme, franchissant ce qui lui apparaît être un hiatus, transcende et aboutit au monde nouménal ; il réalise qu’il est noumène .
Ce qui n’empêche pas que sa partie animale vit toujours dans le monde phénoménal, avec toujours les mêmes choses consonantes ou dissonantes avec lui. Il continue à sentir, c’est à dire à percevoir et à ressentir. Simplement, il n’évalue plus, [ Éprouver, c’est évaluer.] il ne colle plus une valeur négative et positive sur ses ressentis négatifs et positifs ; il souffre, il jouit, tout est égal, il a l’évidence que tout est parfait.

Pour ceux d’entre nous dont le royaume n’est pas de ce monde, il n’est pas agréable de se retrouver dans le monde extérieur et comme justement ils n’apprécient pas les valeurs que les gens attribuent à ceci ou cela, parce qu’elles n’existent pas avec autant de netteté, il leur faut procéder d’une manière intellectuelle, froide, ce qui évidemment leur demande une certaine activité mentale, cérébrale.
Il y a malaise quand les choses ne correspondent plus à l’idée que l’on en a parce que l’on est alors obligé de s’occuper beaucoup plus de cette vie extérieure, des gestes extérieurs qui ne sont pas bien intéressants mais nécessaires à la vie quotidienne.
Et puis il y a autre chose qui est la sortie du chaos de la pensée. C’est à dire que, à mesure que nous progressons en connaissance, nous progressons par voie analytique en faisant des discriminations ; de même que c’est par discrimination que se fait la création, la Cosmogénèse. C’est par discrimination, par voie analytique, que nous avançons dans le travail de compréhension.
Quant à la synthèse, ce n’est pas nous qui pouvons la faire. Dès que nous réfléchissons, nous sommes obligés de passer par la discrimination, elle n’est pas à maudire, elle est un temps nécessaire, mais elle doit être complétée par la synthèse qui, elle, a lieu dans le subconscient ou elle est faite par le Soi.

On dit parfois que ce qui est vraiment vrai est « un », est vrai pour tout le monde, mais ce « vrai » n’est pas prouvable, ni objet de preuve, l’intuition métaphysique nous le révèle mais vous n’avez ni ne pouvez le prouver à personne ; c’est comme au niveau sensoriel, je peux vous dire que ce paquet de cigarettes rouges est sur mon bureau, mais tant que vous ne l’avez pas vu, je ne peux pas vous le prouver, je peux vous dire : « regardez-le ! », mais ce n’est pas une preuve non plus parce qu’on peut aussi me demander de prouver la vision sensorielle.
Il y a toujours un stade ou on ne peut pas prouver, il y a quelque chose d’improuvable. Si la Réalité Absolue était prouvable, tout le monde serait d’accord là-dessus ; ou vous avez l’évidence ou vous ne l’avez pas et quand vous l’avez vous ne pouvez pas la communiquer à quelqu’un qui ne l’a pas.
Nous adhérons à une hypothèse quand nous ne rencontrons aucun fait qui l’infirme, mais le fait de ne pas en avoir rencontrer jusqu’à présent ne veut pas dire que l’on ne peut pas en rencontrer dans le futur ; un certain doute scientifique doit rester dans notre esprit.
Parfois une vérité discible, formulable, tridimensionnelle, nous vient à l’esprit et nous l’entendons sonner juste, elle peut par la suite être contredite ou pas par les faits, mais même si elle ne l’est pas pendant des années comment prouver qu’elle ne le sera jamais.
Cependant le doute systématique du « Que sais-je ? » n’empêche pas l’évidence ultime, les vérités relatives qui sont les nôtres sont relatives mais la Vérité Absolue s’impose par elle-même.
Il ne suffit pas de douter, il y a des gens qui malgré leur doute reste dans l’erreur toute leur vie, il faut aussi qu’il y ait un travail réflexif permanent, constant subconscient la plupart du temps et parfois conscient qui relance le travail subconscient.
Ce travail suppose le besoin de comprendre pour comprendre, mais pas n’importe quoi, la vie intérieure humaine, le fonctionnement de l’être humain, ses possibilités de développement, de réalisation etc… le problème de la condition humaine.
Il n’y a de preuve possible que dans le domaine quantitatif, phénoménal, pas dans le domaine qualitatif, nouménal ou vous avez une intuition qui va dans ce domaine ou vous ne l’avez pas.

La relation d’identité entre le percevant et le perçu est réelle, mais ni le percevant ni le perçu ne sont absolument réels.

« Valeur », « Intérêt », « Importance » sont des synonymes, je ne peux voir aucune valeur à une chose si je ne la suppose réelle et voir plus de valeur à une chose, c’est lui attribuer plus de réalité [ Ce qui est évidemment absurde si nous songeons au sens du mot réalité mais enfin, c’est comme ça que nous fonctionnons.]. Nous passons constamment de perceptions qui n’ont qu’un valeur subjective à des affirmations objectives en disant « c’est comme ça » au lieu de dire « ça m’apparaît comme ça. »

dimanche 27 mars 2011

Hubert Benoit : 26 janvier 1972


L’homme a de lui-même une idée qui vient de ce qui se passe dans son conscient et il a une autre idée qui vient du fond de lui-même et qui se traduit par l’intuition d’être [ métaphysiquement.] .
Mais évidemment, dans sa conscience d’être, il se définit par sa personne.
Il constate cette personne, il la voit comme un objet et il ne se demande pas quel est le sujet qui perçoit cet objet. Il pense être cet objet qu’il perçoit, c’est à dire cet ensemble de phénomènes à la fois physiques et psychiques… alors, ceci est conscient, le reste parce que cela ne l’est pas, se mélange au premier sans que cela puisse être perçu [ bien que cela soit un bien fameux mélange.] et cela aboutit à une définition de l’homme par lui-même comme d’un phénomène, mais un phénomène nouménal ou un noumène phénoménal, ce qui évidemment est absurde.
Alors le phénomène nouménal, cela se traduit par l’impression que chacun a qu’il est le centre du monde, qu’il est le centre du monde, qu’il est le créateur de ses pensées et de tout ce qu’il fait et par la prétention qu’il a de jouer au petit dieu en créant ce monde imaginaire qui résulte de l’agitation mentale.

Mais la vision de soi comme noumène, même phénoménalisé n’est pas précise du tout.
On peut dire que l’homme se définit avant tout comme étant sa personne phénoménale, mais avec la revendication d’être absolument en tant que cette personne phénoménale, il se définit comme une personne phénoménale à prétention divine.
Un homme peut dire de lui-même :  « mon corps, ma pensée. » mais tous ces « mon », « ma », supposent une cause première qui est propriétaire de ces effets, et il ne s’interroge pas sur « qui » a ce corps, cette pensée. C’est ce « Je » irréductible qui est le vrai « Je », qui est lui-même l’Esprit [au sens nouménal.] ou le Soi [ bien qu’aucun nom ne puisse faire oublier que cela étant informel, n’est pas discible.].

Mon regard se pose sur un objet, qui voit cet objet ? Mon cerveau recevant les vibrations à travers mon appareil optique élabore une image mentale de l’objet, une première perception a lieu, mais la perception de la perception de la perception n’a pas eue lieu ; quand je me rend compte que je vois, je me rend compte de la présence dans mon mental d’une image mentale qui a été élaborée etc... mais qui se rend compte ? Qui perçoit l’image mentale ? Cela ne peut pas être le cerveau lui-même ! C’est toujours le fameux : « qui est « Je » ? »

Si on envisage l’organisme psycho-somatique humain, c’est une chose parmi les autres choses manifestées, certes plus complexe, mais du même ordre, et à toutes ces choses du même ordre s’applique la parole de Hui Neng : « Aucune chose n’est ! ». Une chose existe, c’est à dire qu’elle a une réalité qui a une réalité relative à qui la perçoit et chacun perçoit différemment. On ne peut pas dire que la chose ait une réalité en soi, elle a une réalité pour quelqu’un. Toutes les choses existent subjectivement pour moi, mais celles dont je ne saurai jamais rien, que je n’aurai jamais perçu, sont inexistantes pour moi ; elles existent pour d’autres mais si elles avaient une réalité absolue, elles s’imposeraient à tous, ce qui n’est pas le cas !
Ma personne est donc une de ces choses-qui-ne-sont-pas, comme toutes ces autres choses, et le mouvement cosmique qui se trouve en toutes choses s’y trouve aussi, en moi tout bouge, pensées, sentiments, membres etc..
Sous l’influence de la conception égotiste de soi, je pense que « je » bouge tout ça. En réalité, il n’y a dans le cosmos qu’un seul moteur initial, qu’on appelle parfois « cause première » ou « cause unique ». qui est le principe créateur de la création. Quant à tout ce qui est en dessous, la manifestation, tout cela est mû, créé mouvant, par la cause première, mais rien ne se meut par soi-même.

L’organisme humain n’a aucun moteur à lui, autonome ; en lui-même il est inerte, il est mû, il ne se meut pas, tout ce qui se fait en lui est mû par autre chose que lui.
Alors, qui tire les ficelles du pantin ? Ce ne peut être que le moteur unique de l’univers, la cause première, mais si elle le faisait directement ce serait avec la perfection qui est la sienne et mon fonctionnement ne serait pas le fonctionnement égotiste qui est le mien.
C’est qu’en effet entre le UN initial et le multiple de la manifestation, il y a un étage intermédiaire qui est le DEUX.

Le DEUX, c’est la dualité que présuppose toute la manifestation du mouvement cosmique, [Tout mouvement de cette énergie cosmique est passage de cette énergie d’un pôle à l’autre : pas de courant électrique sans deux pôles de tension différente, pas de chute d’eau sans niveaux différents.] dualité et pas dualisme, c’est à dire qu’il s’agit d’inverse complémentaires qui concourent au même mouvement.

Tout ce qui se passe dans la manifestation, tous les mouvements qui ont lieu obéissent à des lois [Nous en connaissons un grand nombre, pas toutes.]. 


« Qui est « Je » ? » … « Je », en tout cas, n’est pas identique à l’organisme. Cela ne veut pas dire que l’organisme n’est pas son prolongement, qu’il n’est pas de sa nature, la manifestation du Créateur est de la nature du Créateur. [ Dieu crée tout de sa propre substance, tout est substance divine, c’est pourquoi l’hypostase est sous toutes les apparences.]. Cependant, si toute chose a la nature de Bouddha, seul l’homme est capable de fonctionner comme Bouddha.
Et si l’hypostase, le Soi, supporte, les créant, toutes choses, l’homme y compris, elle est plus que ça.
C’est comme si le Principe Créateur, le Soi, se projetait Lui-Même sur terre et s’incarnait dans l’homme de sorte que bien que le Soi soit « UN », et qu’il soit le même en vous et en moi, chacun peut dire d’une certaine façon « mon Soi », c’est à dire le Soi en tant qu’Il me crée, l’aspect du Soi me créant. Et l’aspect du Soi en tant qu’il vous crée est différent parce que la création est différente bien que le Soi créateur soit le même.

On existe, mais on est pas.
On peut seulement dire que notre véritable nature est la nature de cet « Être » qui engendre sans cesse notre « paraître », mais notre personne, comme toutes choses est un « paraître ».
Votre impression que votre paraître est l’Être est une illusion. Vous êtes l’Être de ce paraître que vous croyez être.

L’homme non–initié voit les objets autour de lui dotés d’une réalité absolue, c’est une réalité tout court [ Quand on ajoute pas d’adjectif, cela veut dire « absolu ».] tandis que l’initié voit les objets autour de lui dotés d’une réalité relative. « Aucune chose n’est. », c’est justement leur dénier toute réalité absolue.
Étymologiquement, « Phénomène » veut dire « apparition ». Mais à y mieux voir, c’est à la fois apparition et disparition, parce qu’un état, une forme d’apparition est, dans un sens, absolument sans durée, immédiatement elle est différente ; c’est pourquoi on ne peut pas dissocier le mode d’apparition du mode de disparition ; le « phénomène » est apparition-disparition , on peut dire, concomitantes.

A chaque instant nous sommes apparition et disparition. La mort, c’est simplement une disparition qui n’est pas suivie d’une apparition au même endroit de la même manière. En fait la mort n’existe pas, ce n’est pas un phénomène existant.

L’intuition d’être n’est pas une intuition consciente, si elle l’était la définition de soi comme phénomène ne pourrait avoir lieu.
On se fait une idée de l’intuition d’être, par déduction ou induction, parce qu’elle est impliquée par la prétention divine de l’homme particulier.
L’intuition d’être est tout le temps là, et elle a été là de toute éternité. L’intuition d’être est l’intuition d’être la réalité. C’est l’Être qui a l’intuition d’être, c’est Dieu qui se voit être.

L’ego est à proprement parler un monstre puisqu’il est une fusion qui n’existe pas, une chose impossible.
L’ego est un mode de fonctionnement, ce n’est pas une chose qui fonctionne, c’est le fonctionnement égotiste que l’on appelle ego.
Ce fonctionnement se base sur une fusion, qui n’est pas véritable, de deux choses, qui sont véritables ; une ayant une vérité relative et l’autre une vérité absolue.
C’est l’identification qui est une erreur, c’est à dire qui ne correspond à rien du tout. L’irréalité est dans l’identification entre deux choses qui ne sont pas l’identité.

Pourquoi l’identification égotiste apparaît-elle chez l’homme ?
Cela vient de la façon dont sa croissance s’opère, de la précession extrêmement importante de son affectivité [ C’est à dire d’un fonctionnement subjectif-affectif.] sur l’apparition de l’intelligence possible. D’ici-là on tombe dans le piège illusoire de l’ego et puis ça continue parce qu’il y a cette tendance à persévérer dans les mécanismes.

Le plan qui traverse le volume existe et le volume existe, mais l’intersection n’a pas d’existence propre ; elle traduit seulement une rencontre, et quand les êtres du « pays plat » dotent cette intersection d’une réalité tout court, ils se trompent. Les êtres du « pays plat » ne voient rien de la chose qu’ils traversent.

On peut exceptionnellement avoir l’intuition du Soi, mais en général, évidemment, nous ne voyons que des apparences.
Le sentiment de vérité que tout le monde a ? … Vérité relative aussi, et ce qui est relatif n’est pas. C’est la Maya de l’Inde ; vous voyez l’illusion, vous êtes illusionnés par l’illusion, vous êtes une illusion voyant l’illusion. On ne peut rien voir d’autre.
D’ailleurs le libéré-vivant ne voit pas autre chose, simplement il sait qu’il est cette autre chose ; l’œil ne peut pas se voir et n’a pas à se voir d’ailleurs.
Nous pouvons seulement penser « quelque chose est » [ au sens métaphysique.] qui meut directement ou indirectement ma personne.
Cette pensée est une pensée qui peut être révélée à l’homme qui réfléchit.
Il n’en reste pas moins qu’il vit selon l’illusion mais il sait que s’en est une, au moins, c’est déjà quelque chose.

Le fait que l’homme soit capable de concevoir l’idée d’absolu, de Réalité Absolue est une preuve qu’il est absolument, qu’il est le Soi ; s’il ne l’était pas, il ne pourrait pas le concevoir. L’animal qui n’est pas l’absolu ne peut pas concevoir l’idée d'absolu. Mais ce n’est pas pour ça que ma personne est dotée d’une réalité absolue ! Simplement le Mental Cosmique, l’Absolu agissant à travers elle peut aboutir au concept d’Absolu.
Le mot « Absolu » doit être réservé au monde nouménal Dans le monde phénoménal ou rien n’est absolu, c’est le mot « total » qui y correspond ; la chute de mon crayon n’est pas absolue, elle est simplement dotée d’une vérité relative, il est totalement vrai, tout à fait vrai, que la gravitation existant a telle conséquence..]. Une chose qui complique tout, c’est que notre esprit travaille par discrimination [ Pour comprendre quoi que ce soit et sortir du chaos ou nous ne comprenons rien, on est obligé de procéder par discrimination.] et toute discrimination lui tend un piège, ou il tombe en général, qui est de considérer comme des identités différentes les choses qu’il discrimine, alors que ce sont des aspects différents de l’unique entité qu’est l’Absolu Créateur.

L’« UN », je peux l’appeler la Réalité Absolue, la Réalité tout court, en tant qu’elle est.
Le «  DEUX », c’est la Réalité Absolue en tant qu’elle se manifeste.
La « MANIFESTATION » c’est la Réalité Absolue en tant qu’elle est manifestée.
Le « UN », le « DEUX » et le « MULTIPLE » sont les aspects divers de la Réalité.
Il n’y a que la Réalité, seule Elle est.


Simplement, elle apparaît à notre esprit sous des aspects différents et l’esprit du métaphysicien est finalement amené à distinguer le « UN », le « DEUX » et le « MULTIPLE ». Mais il ne faut pas croire qu’il y a le « UN » d’une part, le « DEUX » d’autre part et le « MULTIPLE » qui n’a rien à voir avec les deux autres. Ce sont trois aspects d’une même chose qui est la seule chose ; l’Un Absolu.
Nous parlons parfois des apparences comme si elles étaient en elles-mêmes des entités alors qu’elles ne sont que des aspects de l’unique Entité… seulement l’aspect, si je le détache de ce don d’être aspect, n’est plus rien. [ Si je vous dis « tel aspect de telle chose », je vous dis une chose compréhensible, mais si je vous dis « tel aspect » et pas de quoi, je ne vous ai rien dit !.]
Tout est l’Absolu. Pour ce qui est de l’apparence, elle est l’Absolu en tant qu’il apparaît.

L’erreur n’existe pas, elle correspond seulement à l’absence de vérité manifestée, tout comme l’obscurité n’est que la non-manifestation de la lumière.
Dire : « Quand vous croyez à la réalité absolue de l’ego, vous êtes dans l’erreur. », cela veut simplement dire que vous ne voyez pas vrai du tout. L’erreur n’a pas d’existence positive. Si je vous dis : « Actuellement, il fait nuit noire dehors. », je ne dis pas une erreur, je vous tient un propos qui ne contient aucune vérité.
Toute vérité exprimable, concevable par nous est toujours limitée. Elle est comparable à une plage qui renferme de la vérité et qui par ailleurs en laisse échapper. Nous appelons « erreur » ce qui est au-delà de ces limites et « vérité » ce qui est en deçà. Mais comme cette plage peut avoir différentes dimensions, elle peut avoir parfois une dimension si réduite, qu’elle devient un point sans dimension ; il n’y a plus alors aucune vérité. Mais on ne peut pas figurer l’erreur, elle est sans aucune réalité, ni relative, ni absolue.

L’illusion a une certaine existence dans le mental de celui qui croit voir un cambrioleur là ou il n’y a qu’un arbre dans la nuit, mais il ne voit rien de vrai et l’illusion en elle-même n’a aucune réalité.
L’illusion est illusoire. L’illusion est l’illusion d’une illusion d’une illusion d’une illusion… enfin, ça ce sont des jeux de l’esprit.

Hubert Benoit : 12 janvier 1972


Le vocabulaire, c’est à dire le choix des termes dépend, d’abord, de la conception juste. Les mots dépendent de la compréhension et pas l’inverse.

Ce que l’on entend par ignorance ce sont les opinions illusoires, c’est croire vraie une chose qui ne l’est pas.

La connaissance, au sens le plus profond, ce n’est pas posséder une pensée, la Vérité Absolue, mais être cette Vérité absolue ; même l’homme libéré-vivant ne connaît pas la Vérité Absolue, il est la Vérité Absolue, il n’a pas la Vérité Absolue, il l’est ; étant la Vérité Absolue, il voit tout sous l’angle de la Vérité Absolue, de la même manière qu’un œil n’est pas fait pour se voir lui-même et ne le peut pas, il est fait pour voir les choses comme il les voit.
Notre mental tridimensionnel, petit mental actuel, ne peut absolument pas comprendre (au sens même d’« englober » ) la Vérité Absolue ou infini-dimensionnelle, le fini n’embrasse pas l’infini, c’est le contraire.

Ce que nous pouvons, c’est détecter en nous telle croyance et nous apercevoir, en la considérant qu’elle ne correspond à rien, qu’elle est irréelle, c'est à dire illusoire.
« Irréel », « illusoire », c’est la même chose, toute l’ignorance est irréelle, elle n’existe pas. Nous fonctionnant comme étant ignorant mais on ne peut pas dire que l’ignorance elle-même existe. On ne peut pas dire non plus que l’ego existe ; il y a un fonctionnement égotiste de l’homme comme s’il était à la fois, et d’une manière fusionnée, une personne phénoménale et le Soi, mais il n’est pas les deux à la fois. Dans notre perspective actuelle, nous ne pouvons pas dire que l’être et le paraître, c’est la même chose, nous devons faire une distinction.
Quand on détecte le caractère illusoire d’une croyance, on en a fini avec elle ; on ne peut pas dire que l’on connaît quelque chose d’irréel, qui n’existe pas, simplement on a repéré que c’est irréel, il n’y a donc rien à connaître là.
On ne peut pas dire que la Vérité se connaît elle-même.

L’ego, c’est une manière de parler, il n’existe pas par lui-même, on ne peut pas dire qu’il a connaissance de rien. Ce qu’on peut dire c’est que dans son fonctionnement mi-égotiste, l’homme fait le procès de ce fonctionnement et voit qu’il est fondé sur une illusion, une confusion, sur une absence de discrimination.

L’idée, la conviction illusoire mère de toutes les autres, est celle selon laquelle je pense être mon corps. J’ai très bien compris que je ne suis pas ça, que c’est un paraître, qu’en réalité je suis l’être qui paraît de cette manière ; mais toute la journée, je vis, je réagis comme si je continuais à croire, car le jour ou je cesserai de croire que je suis ça, j’aurai le Satori ! … oui, mais je ne l’ai pas, alors je déplore seulement qu’il soit si long d’obtenir le passage d’une évidence intellectuelle à l’évidence pour l’être entier.
De quel vertige me parlez-vous ? Faîtes-vous allusion à tout ce champs que peut parcourir l’ego, petit mental tri-dimensionnel qui est pour nous comme séparé par un hiatus de l’Intelligence Absolue ou infini-dimensionnelle et c’est comme si vous me disiez que vous quittiez le plan, le domaine de l’intellect à trois dimensions et que vous êtes alors suspendu au dessus de l’abîme du hiatus ?

Je comparerai la Vérité Absolue à un volume et la vérité relative à une section plane. Si la section est bien faite, nette, si l’esprit a bien travaillé, elle donne des renseignements exactes, mais absolument pas sur la nature volumétrique du volume qui échappera toujours à toutes sections.
Cela ne veut pas dire que le tridimensionnel soit à jeter aux chiens. Les vieux maîtres Tch’an défendaient la valeur de cette recherche intellectuelle avec ce petit mental qui est le notre en disant que c’est tout à fait nécessaire, seulement évidemment, ils disent que ce n’est pas suffisant.
Donc, encore une fois, il ne faut pas du tout faire fi de cette recherche et des vérités qui, en réalité, ne sont que des manières d’énoncer le contraire, par contraste, des opinions illusoires. Découvrir ces opinions illusoires et les déraciner est vraiment important.

Les certitudes que nous avons aujourd’hui sont vaines en elles-mêmes.

Le travail réalisateur en nous, seul le Soi peut le faire. Ce que nous appelons « nous » actuellement, c’est à dire en particulier ce mental tri-dimensionnel et ce conscient dualiste ne peut pas se libérer du dualisme en fonctionnant de façon dualiste ; le mental ne peut pas s’intégrer en fonctionnant d’une manière non-intégrée etc…actuellement, fonctionnant comme je fonctionne, ce fonctionnement ne peut me libérer, le Soi, seul, peut le faire. Et, au cours de ce Grand Œuvre incompréhensible pour nous que le Soi peut faire, se dissolvent le dualisme et toutes ces croyances illusoires subconscientes qui ont, certes, été détectées mais qui ne sont pas pour ça extirpées.

Je peux comprendre le caractère illusoire de l’opinion qui est derrière la revendication. Ce travail, le rappel de cette compréhension juste que tout cela est absurde, peut diminuer les effets de l’attitude revendicatrice, mais l’attitude revendicatrice tient au fonctionnement égotiste qui lui ne disparaîtra pas pour autant.

Seul le Satori nous délivre de la revendication principielle, maintenant ce dont nous pouvons être délivré, c’est de la manifestation de cette revendication principielle en revendications particulières plus ou moins intenses. On peut obtenir la diminution d’intensité, mais de toute manière, il ne faut pas s’illusionner ; je me dis moi, en pratique sans revendication, mais si je veux être tout à fait sincère, je ne peux pas me dire capable de désirs que j’appelle « simples », c’est à dire qui ne sont pas « absolutisés ». Le désir au cours d’un fonctionnement égotiste, ou la personne particulière est franchement « absolutisée » comporte nécessairement le caractère « absolutisé » du désir.

Nous pouvons détecter ces illusions, mais le passage de cette détection intellectuelle pure en évidence pour l’être entier, c’est le travail du Soi, nous ne pouvons l’accomplir nous-même.

Quand le « sentir » n’est pas ajouté au « savoir », le fonctionnement reste le même qu’avant.

Une des principales opinions illusoires qu’il s’agit de détecter, c’est celle selon laquelle notre fonctionnement égotiste serait capable de quoi que ce soit, en particulier en ce qui concerne la libération.

Même du point de vue de notre fonctionnement phénoménal, de notre organisme phénoménal, dans le monde phénoménal… la plupart des gens s’imaginent qu’ils sont en droit de dire : « je pense », « j’agis », or tout cela étant conditionné par le « Démiurge » ou parfois la pensée étant causée, dans de rares cas, par le Soi directement [ Je fais allusion à des intuitions illuminantes qui peuvent arriver ; à ce moment là, c’est comme un message reçu de l’Intelligence Absolue, réfractée dans le mental, elle devient tri-dimensionnelle, mais enfin c’est quand même quelque chose.] … en dehors de ça, nous sommes conditionnés pour tout.

Il y a une indéfinité de facteurs, l’hérédité, remontant à des milliers d’années d’humanité, c’est à dire, des milliards de personnes, toutes les circonstances avec leur indéfinité de nuances depuis que nous sommes nés, la circonstances que nous vivons actuellement, tout cela nous conditionne.

Etant donné l’indéfinité de facteurs qui nous conditionnent et de leurs interrelations, il nous est absolument impossible de voir avec les yeux de l’esprit, c’est à dire de comprendre ce qui nous détermine, ce qui nous conditionne, à ce sujet, nous sommes comparables à un marteau qui ne voyant pas le tapissier s’imagine qu’il plante les clous lui-même. Le corps ne bouge pas, il est fait bougé, quelque chose le fait bouger, mais il ne bouge pas de lui-même. Tout mouvement physiologique passe par le « Démiurge ». Le « Démiurge », cela vient aussi, mais rarement, directement du Soi.
La machine humaine est comparable à n’importe qu’elle machine, c’est à dire qu’elle est inerte ; si une force n’est pas branchée sur elle, elle est un pantin, si ses ficelles ne sont pas tirées, il ne bouge pas… mais elles sont toujours tirées.
Le plus important, c’est de comprendre que, du point de vue de notre libération, nous (au sens habituel du terme) ne pouvons rien faire, le pantin ne peux rien faire du tout. Alors cela pourrait mener à une vue tout à fait désespérée et désespérante au sens habituel du terme mais si le désespoir qui a lieu n’est pas celui que l’on entend au sens habituel mais la perte de stupides, absurdes espoir en quelque chose qui n’en est pas un, alors vient l’Espérance, vertu cardinale, qui est l’espérance en l’action du Soi qui est là, en nous, tout prêt à faire ce Grand Œuvre incompréhensible, miraculeux, il suffit que nous cessions de nous y opposer par l’agitation mentale, puisque ce Grand Œuvre consistera avant tout en l’intégration de notre mental [ puisque le reste, notre organisme physiologique, est tout à fait intégré, le mot « organisme » signifie « un tout organisé », de telle sorte que les milliards de cellules de notre corps sont interdépendantes, aucune ne peut être touchées sans répercussions sur toutes les autres, tandis que pour le mental, non, c’est une poussière d’idées, toujours dualistes, dont chacune comporte son contraire, une espèce de brume de gouttelettes qui ne sont pas une masse d’eau.].

L’intégration du mental ne peut être réalisée que par le Soi qui est lui-même Inconscient Principiel, c’est à dire, principe du conscient et du subconscient et de toute la marche de la psyché.

Ceci nous fait comprendre le sens du « ne pas faire » du Tch’an, c’est à dire, ne pas faire d’opération mentale, c’est à dire dualistes, c’est à dire tout à fait de travers, ce qui désigne le silence intérieur.
Beaucoup de gens ont eue l’intuition de l’utilité de ce silence intérieur, mais sont , hélas tombés dans une politique qui leur a paru juste, qui consistait à chercher directement, à obtenir directement le silence intérieur, toujours par des efforts de ce petit moi, qui justement ne peut rien par lui-même, alors ça n’aboutit à rien.

Autre chose est possible, c’est la confiance totale que représente le mot « foi », foi dans le Soi, sa disposition à, et même son impossibilité de ne pas nous réaliser à condition de ne pas nous y opposer.
Alors, comment est-ce possible ? C’est possible si justement j’ai obtenu cette évidence que ce processus libérateur, qui dépasse en perfection tout ce que je peux imaginer est à ma disposition de la part du Soi. Et cette pensée, cette évidence, me plonge dans la contemplation de ce que je viens de dire et du fait que je tombe dans cette contemplation, le silence s’établit ; le silence intérieur ne peut s’établir que spontanément et comme conséquence de cette contemplation, il n’y a pas à établir le silence pour obtenir la contemplation, on n’y arrivera pas comme ça.
L’évidence de la parfaite disposition du Soi à notre égard, si elle est seulement intellectuelle n’aboutira pas à cet arrêt du mental dont je parlais. ça n’y aboutit que si s’y ajoute un élément sensible représenté par l’émerveillement et la stupeur. [dans l’émerveillement, il y a toujours stupeur, c’est comme si c’était invraisemblable.]. C’est la « bonne nouvelle », le sens du mot « évangile », c’est à dire le Soi qui est en nous [qui sommes déjà Dieu] peut nous donner le fonctionnement Divin. C’est en effet une bonne nouvelle ; alors si on la voit avec cette coloration sensible, [ pas « affective ».] elle nous plonge dans un sentiment d’extase, accompagné d’un élément sensible, d’un sentiment d’adoration ; [qui est un phénomène sensible poussé à son degré métaphysique.] c’est l’évidence que nous avons obtenu, après tant de recherches et cela nous plonge dans le ravissement, comme si « le petit bonhomme qui bavarde » était ravi, enlevé, et que le bavardage de fait s’arrête. A ce moment le mental s’arrête. Après, d’une manière réflexe, il revient, essayant de comprendre cette expérience, retrouvant l’agitation (mentale) . C’est par la mémoire que l’on se rend compte que le mental s’est arrêté [Quand vous vous réveillez d’un sommeil profond sans rêve, vous vous souvenez que vous avez dormi et pourtant vous n’avez pas été conscient de dormir pendant que vous dormiez ; vous avez une sensation du temps passé, même si l’évaluation de la durée est inexacte, il n’y a au qu’au cours de l’anesthésie chirurgicale qu’il y a suppression totale de tout fonctionnement mental, mais au cours du sommeil, il n’y a pas arrêt du fonctionnement mental.].

Au moment ou grâce à la contemplation de cette évidence du travail intérieur du Soi, le mental s’arrête, comme c’est l’agitation mentale qui constitue l’obstacle à l’établissement du « Royaume de Dieu », l’envahissement commence à se faire, mais cela ne veut pas dire qu’il se fait en un clin d’œil, il y a une longue période d’évolution, avant que cela soit terminé, et à ce moment la terminaison est abrupte.

Quand cette zone est complètement envahie, la conscience cesse d’être divisée en parties, par paires d’opposés, il est alors intégré.

Et tout cela je ne peux le comprendre qu’en mode négatif, c’est à dire que la transformation [passage au delà de la forme.] métaphysique implique le passage de ce que je constate, la « non intégration mentale », à son contraire, que je ne peux qu’appeler « intégration mentale ». Mais cela ne veux pas dire que je peux comprendre ce qu’est l’intégration mentale avec un mental qui n’est pas intégré. C’est une vérité absolue par contraste avec l’illusion des faits, mais ce n’est pas la vérité cherchée.

Une des illusions les plus importantes à détecter, c’est notre croyance dans le fait que ce que nous appelons « nous » aujourd’hui [ C’est à dire cet organisme psychosomatique, plus ou moins nouménalisé de façon égotiste] peut quelque chose. Il ne peut rien ; ni dans la vie phénoménale, ni à fortiori dans la vie transphénomènale.
Quand j’ai compris que je ne peux rien, je suis enfin au point d’humilité réelle. Ce qui correspond aux phrases : « Je ne peux rien, Vous pouvez tout. » ou « Je remets mon âme entre vos mains. », parce qu’actuellement, je ne peux pas ne pas voir sous l’aspect « Je »-et-« Vous ». Ce que j’appelle « Vous » dans ces phrases, c’est la véritable Réalité, c’est le vrai « Je » ; mais le faux « je » ne peut voir le vrai « Je » qu’autre que lui. [ « Je » est un autre » A. Rimbaud] Actuellement, il y a forcément, dans notre vision, une altérité, entre le faux « je » et le vrai « Je », chacun est donc autre que l’autre ; tout cela est illusoire mais nous devons passer par là.

« Comprendre » n’est pas « réaliser ce qu’on a compris » ; l’évidence intellectuelle n’est pas la véritable évidence, l’évidence totale qui est l’évidence pour nos trois sens.

Entre la certitude de la prémonition et l’évidence de l’incompréhensibilité, peut-être le « vertige » ?

Voir notre totale impuissance à rien et surtout à rien faire qui fasse partie d’une juste évolution. Dès que nous faisons quelque chose nous nous opposons à ce que nous cherchons, nous nous empêchons de trouver.

Il ne faut pas croire que le Soi ait une intention quelconque d’établir son royaume en nous, cela lui est parfaitement indifférent.
Amour infini de Dieu et totale indifférence. Ce que nous savons de nos amours ne peut pas nous servir à comprendre ça.

Une cassure est nécessaire pour être conscient du déroulement de la pensée. On est inconscient de ce que l’on pense au moment ou on le pense.

Dans l’expérience extatique, on ne peut pas voir directement, on ne peut voir que les effets indirects, conséquences organiques constatées, certitude de l’être : « Cela existe », sans en avoir la vision. Il n’y a pas de simultanéité, mais va et vient du vécu au pensé , du pensé au vécu .

Le fait d’adorer adorer détermine la volonté d’une image à adorer.

Il est vain de phénoménaliser le nouménal.
C’est le Soi qui perçoit les images mentales élaborées par le cerveau… qui d’autre ?